LA TRAJECTOIRE MAGIQUE
MARC-ANTOINE BARTOLI
photographies
samedi 2 octobre – samedi 6 novembre 2021
LA TRAJECTOIRE MAGIQUE est le produit d’une déambulation photographique qui s’étend de 2017 à 2021. La série, inspirée par l’ouvrage de Joan Didion, L’année de la Pensée Magique (2005), fragmente petite et grande histoires en autant de traces autonomes et collecte les obsessions du photographe. Comme dans cet essai, il s’agit ici de saisir les situations et les figures avant que la mémoire ne transforme l’expérience.
Marc-Antoine Bartoli glane ainsi des indices dans une poésie du quotidien qui se donne à qui veut bien y prêter attention. D’Ajaccio à Paris se dessine la trajectoire du photographe, de sa vie et de sa rencontre avec les phénomènes où se mêlent les temporalités et se cristallisent les tensions politiques, sociales et affectives. Des liens signifiants se tissent par la photographie. Une statue conquérante de Napoléon empereur résonne avec les graffitis sauvages, parfois haineux, des murs du port.
Ces rapprochements rendent possible, l’espace d’un instant, le sentiment de percevoir le temps à l’œuvre, de toucher le non-événement où rien ne se passe mais tout se joue. Dans des paysages désertés, et par d’habiles glissements métonymiques, l’attention portée à des détails déclenche de soudaines généralités, des échos tapis dans les images.
Ici, les corps aussi sont souvent suggérés par leur passage. Cette poésie du transitoire, c’est celle, intrinsèque au médium photographique, de la vie et de la mort, de ce qui reste et ce qui disparaît. Avec elle, ce sont toutes les tensions de la culture corse que nous transmet l’artiste : la tension entre le sacré et la tradition, la volonté de s’en extraire pour mieux l’analyser.
Tout se joue dans l’ellipse: le creux d’un fruit consommé ou l’anti-carte postale du cap de Roccapina au crépuscule.
Par cette composition fragmentaire, le photographe ouvre une brèche dans laquelle s’engouffrent tous les mythes et fantômes qui habitent les espaces parcourus. Magique, la trajectoire perturbe les frontières du proche et du lointain, de l’actuel et de l’historique, du réel et du mythologique. En ce sens, des figures féminines tutélaires surgissent pour lui comme pour qui se projette dans ces images : Babeth et Danae ; marraine, amie, fée ou déesse.
L’écriture de soi, point d’achoppement entre l’histoire intime et l’appartenance au monde, parvient par son économie et par la sobriété du noir et blanc à ouvrir le champ de l’intime au contexte dans lequel il s’inscrit, touchant avec lui quelque chose de la permanence et de l’authenticité.